Étiquette : bois

Guimet à l’absinthe / Part Two

Le décès de ma grand-mère change le rythme de vie à l’atelier. J’ai ressorti la gouache et un modèle de marqueterie que j’avais trouvé incroyable sur le parquet du musée Guimet. Chaque ligne ouvre et ferme un chemin. C’est très asiatique comme pensée à intégrer : très serré et dans un espace réduit. Chaque tracé ressemble à une taille. Chaque couleur à un guide. La peinture se remplie en comparant de mémoire le modèle français. Nous sommes très différents. Nos modèles sont plus simples et ne recouvrent pas tout le sol. Dans une autre vie j’aurais adoré travailler avec le bois. Les essences au séchage créent des harmonies de couleurs extraordinaires. Quelqu’un d’autre dirait que c’est banal. Ma grand-mère aurait compris et aurait trouvé ça également extraordinaire. La vie et l’après vie de toute chose en tout chose.

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La femme des bois

Être dedans, puis en sortir. Petit miracle : découvrir qu’il en reste quelque chose sur la toile alors que le spectateur ne sait encore rien. J’ai travaillé Emmanuelle, le féminin de Jésus dit-on, en l’emmenant dans son désert, celui des bois et non des dunes. La barre représente le Té mais ne doit être que suggérée selon moi. J’ai voulu ce mouvement du vent dans le feuillage qui existerait et commencerait seulement à naître à l’esprit de cette femme. J’ai beaucoup pensé à Renoir et Berthe Morisot, deux guides humains aux peintures faites pour vivre sur terre et non en cage. Je ne prends aucune liberté avec mon sujet. Ce que je sais je le place, ce que j’ignore je le fait apparaître.

La femme des bois

Peinture à l’acrylique sur toile, 80 x 60 cm, 2017.

Au bois dormant

Se perdre dans l’espace, telle était la phrase que j’ai pu entendre cette semaine. Arrivée à dimanche avec une semaine chargée entre Paris et Versailles, je suis trop heureuse de faire quelques pas en forêt. Il n’est pas neuf heures, ce qui m’arrange. Le « bonjour » après dix heures m’énerve. Deux cyclistes tentent une côte en faisant le brief des incivilités au volant. Quelques dames promènent un chien. Je suis occupée à chercher des primevères. Je suis déçue car les feuilles sont à peine sorties. Je m’en remets aux arbres et regarde ceux qui se sont réveillés. Le bouleau que je croise à de multiples reprises se porte très bien. Il en est un qui me fait revenir en arrière. Je sais avoir manqué quelque chose mais n’arrive pas à savoir quoi. L’arbre est rempli de branches mortes. La lumière du soleil se reflète sur son bois. Je touche son tronc pour savoir comment il va. Tout à l’air d’aller mais quelque chose ne va pas. Je commence à retirer une branche morte. Puis une deuxième. Elles sont petites pourtant elles semblent une gêne en moins sur lui. J’en enlève de plus grandes avant de reculer et de constater ce qui arrive. L’arbre n’a rien de sauvage. Il a tout d’un arbre civilisé. Ses différents troncs qui partent sans doute de rejets s’enlacent. J’en vois deux sur ma gauche et deux autres devant allant sur la droite. Ils le font si haut que mon coeur se lève. C’est du Camille Corot. Cela me met en transe. Il y a une assurance et une légèreté qui m’empêche de partir comme si rien ne s’était passé. En m’en allant, je croise à nouveau les dames qui m’ont vues. Elles me disent que plus bas il y a de toutes petites fleurs sur un noisetier si je veux continuer à étudier les arbres. Un noisetier a des chatons mais je veux bien voir. En voyant de quoi elles me parlent je me rends compte qu’il s’agit d’un chèvrefeuille déjà démarré. C’est amusant ce je sais et je ne sais pas en même temps. Je rentre avec un morceau de l’écorce du bouleau et achète des noisettes pour l’apéro. On va encore dire que je perds mon temps mais je n’en crois rien.