Étiquette : liberté

Faire lumière

Je ne parle pas des pièces maîtresses qui font l’œuvre pour le spectateur, le lecteur, le public. Je parle de ces fragments dont est formé la vie de l’artiste. Ils sont en retrait, presque enterrés. Ils vont être le sol et les fondations. Par lequel d’eux le soleil sera attiré ? Je ne sais pas. La réciprocité n’est jamais égale.

Je continue.

Ce qui fait l’artiste – 2020
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Chez les heureux du monde

Edith Wharton écrivait dans Chez les heureux du monde (The House of Mirth – 1905) :

– Mon idée du succès, dit-il, c’est la liberté personnelle.

– La liberté ?… être libre de soucis ?

– Libre de tout … de l’argent et de pauvreté, de l’aisance et de l’inquiétude, de tous les accidents matériels. Maintenir en soi une sorte de république de l’esprit, voilà ce que j’entends par le succès.

J’ai toujours préféré Edith Wharton à Virginia Woolf. La femme à la voiture c’est tout un symbole. La journée de la femme en Angleterre datant de 1912 et dont elle eu une part prenante à son existence aussi. Le lien d’amitié avec Charlotte Perkins Gilman, auteure de La séquestrée, un des premiers textes sur la dépression post-partum. Ses livres bien sûr, son écriture subtile alliant liberté et intelligence. Sa vision de la haute société américaine et son admiration pour les auteurs anglais tel Henry James, sans départir en talent et originalité.

Dans son salon

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Les après-midis chez ma grand-mère maternelle. J’ai tout vu, tout entendu. Gingembre confit à l’apéritif, guacamole, poulet aux baies roses, tarte pure beurre de chez Picard. On est rationné autant que rassuré. Théâtre, expos, livres, trop de télévision, ma grand-mère me fait rire. Je dis Modigliani, elle me répond Venise. Je vois de la sculpture, elle entend de la musique. Plus j’avance en âge, plus je l’aime. C’est si décadent que j’en oublie le calme qui régnait avant de venir. Cela me donne des frissons. À chacune de mes visites, je crois réveiller des morts. Ses yeux bleus clairs sont somptueux, captivants, intelligents. Je suis fière de connaître une telle personne dans ma vie.

Rêverie au jardin

Je n’ai pas envie de savoir ce qui se passe dans votre bureau…

À chaque visite, je sens que je déborde sur le programme universitaire d’un autre pays. J’ai envie d’un week-end à Bordeaux, on me parle d’une année à Grenoble entre étudiants. Est-ce que seulement cela m’intéresse ? À entendre, je dis que non. En ayant vu le remake d’un film italien des années soixante, je suis le corps à l’envers et la tête à l’endroit en train d’en apprendre sur le meilleur moyen de sortir de son imagination : écrire le programme d’une vie parfaite. J’ai démarré hier en m’instruisant sur la meilleure compagnie de route avec qui traverser cette longue nationale devenant départementale. Le chien ou la chienne. L’âge de l’homme est à enterrer comme un point de départ : il est né en 1978. Il aurait 39 ans ou bien aurait eu ses 40 ans. En-dehors de cet entre-deux rives, je n’ai rien à prendre au sérieux. Elle, médecin, fuit un lieu : la maison familiale. Elle cherche à larguer les amarres pendant que lui obéit à la voix de son père : la maison de leur amour. On ne sait dire en une phrase. Il y a un roman et du mot à mot dit à deux voix faisant celle du narrateur. Les aides sont précieuses et quelques personnages naissent sans rien connaître de leur auteur. Je les aime déjà. L’amie de mon compagnon fait la mignonne et montre les cadeaux et bijoux comme une assurance pour la vie. L’ami qui veut mon bien, cherche à enfoncer son poing dans le sol en béton. Il cache une richesse, il sait que je trouve cela vulgaire. Il fait l’effort de garder le costume et de voir dans ma chute une envie de refaire sa vie. Il met beaucoup de lui en ne parlant plus d’appartement de luxe. Il met de la fantaisie, comme un gâteau un jour de ciel gris apporté au travail. C’est un peu de tristesse qui habite notre visage.

J’aimerai ne plus être à deviner une présence qui ne viendra peut-être pas. On voudrait étaler la transformation, qu’elle soit immortalisée et en-dessous nous pourrons être à nouveau simples amis avec l’amie et l’ami. Qu’il arrête de construire notre maison. Le Franck Lloyd Wright au niveau du Corbusier délivre un texte d’architecte rendant malade son lecteur. Il faut changer de matériau… il faut changer de corps… il faut être plus léger… plus aérien… la terre est invivable.

Sur le lac, on voit un plan retraduit du béton et du bois en zinc et différents métaux. La maison est une cage aux oiseaux sur pilotis. J’aime bien Eiffel Gustave, j’ignore ce qu’en demande l’américain moyen. J’ai envie de revoir la statue de la Liberté. Dans ses jupes, l’intérieur de sa tête, je vois voyager des millénaires (les sept merveilles du monde, le colosse de Rhodes). La muse, le mannequin, les archétypes divins du féminin, le nouveau monde… une flamme voyage léger et transporte avec elle la colère de Zeus pendant que, sous ses pas, celle de Neptune fait monter le niveau de l’eau. L’accouchement est en cours. Nous nous rapprochons du jour immobile.

Jusqu’à notre dernier souffle, notre sol est en-haut.

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