Photo, 2106, crédit Aurélia Bonnal, jeune photographe qui aime les gens.
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Le monde nous appartient
Trois moments d’une session passée aux Beaux-Arts de Paris.
On adore venir avant la prof. C’est si important que le métissage nous incite même à quelques chants comme un cri de guerre, un cri de ralliement qui ira barrer la route à tout étranger du cours.
Ici avec José, on aère, on regarde le ciel, on se vide la tête et on laisse remonter à l’esprit ce que le corps a vécu. Le modèle est à l’heure. La séance commence. Nous avons nos remparts. Il y a du Don Quichotte en peinture à l’huile. Des bouchers et des chirurgiens. Cela demande du temps avant de s’entendre. La salle chauffe, les personnes présentes souffrent. On cherche le souffle, l’étincelle. On refuse l’automatisme. C’est une course. S’entendre respirer un temps avant le modèle est un début de victoire.
On réouvre les fenêtres. On adore nettoyer et ranger le lieu. Ainsi on descend, ainsi on monte. On demande à sortir sans rien emporter. Avec les clés, on quitte une demie-heure après la prof, la salle du cours.
Paris, printemps 2016.
Dans son salon
Les après-midis chez ma grand-mère maternelle. J’ai tout vu, tout entendu. Gingembre confit à l’apéritif, guacamole, poulet aux baies roses, tarte pure beurre de chez Picard. On est rationné autant que rassuré. Théâtre, expos, livres, trop de télévision, ma grand-mère me fait rire. Je dis Modigliani, elle me répond Venise. Je vois de la sculpture, elle entend de la musique. Plus j’avance en âge, plus je l’aime. C’est si décadent que j’en oublie le calme qui régnait avant de venir. Cela me donne des frissons. À chacune de mes visites, je crois réveiller des morts. Ses yeux bleus clairs sont somptueux, captivants, intelligents. Je suis fière de connaître une telle personne dans ma vie.