Entrer dans le rôle de parent dans son symbole, dans sa réalité est transcendant. Ma tante a prise cette photo lors de mon baptême. Enroulée dans un gilet à capuche, ma main sur la manche de mon père, je devais regarder sur ma gauche sûrement l’un des invités. Il portait encore la barbe à cette époque mais s’est vite rasé pour ne plus que je pleure. Il est plus beau sans d’ailleurs. Je n’arrive toujours pas à faire son portrait. Son visage change et devient un autre visage à chaque dessin. Cette photo m’a été remise il y a quelques années. À cette période, Shining, l’enfant lumière, écrit par Stephen King faisait parti de ses lectures. Il voyait l’enfant comme le sauveur. La dernière génération née, il s’est mis à préférer les vieux. Bonne fête papa.
Depuis 2015, je n’ai pas pu retourner à Sète, ville qui a enterrée Georges Brassens, pays de la joute givordine et vue admirable au port d’une mer calme et bleue. J’aime cette ville depuis un premier voyage enfant. Y revenir à l’âge adulte m’a mené à quelques mètres des mêmes rues. Avec deux amis qui me logeaient, nous sommes partis en excursion. Nous avons visité le musée de la marine, évité Paul Valéry, bavardé chacun de son côté devant les œuvres exposées au MIAM (Musée International des Arts Modestes), mangé au port du loup de mer, laissé le moelleux au chocolat aux abeilles et fini notre périple au cimetière des marins. On s’est mis en tête de rester ensemble avant de remarquer que nous avions un souvenir à protéger. J’ai grimpé en haut en prenant plusieurs escaliers et passages entre les tombes. Les mouettes en cette fin d’après midi se posaient au sommet des chapelles et caveaux familiaux. Elles laissaient le vent les laver sans se laisser distraire. Les ruines, la roche et les tombes, ne parlaient pas. L’histoire a commencé en regardant les gestes laissés des visiteurs. Le rangement des arrosoirs, le placement des briques autour du robinet, la peinture sur les seaux, le nombre pair pour chaque objet suggérant mille choses. Nous sommes repartis à la nuit tombée pour Palavas les flots et avons fait silence. On a aussi évité le karaoké et le casino. L’honneur était sauf. Nous avons surtout aimé le son qui arrive après, la brise emprisonnée dans l’oreille interne.
Lorsque je vais à la piscine, sur le chemin, je croise un magnolia. D’année en année, je fais de plus en plus attention à ce qui pousse et fleuri dans la région. On a la chance dans les Yvelines d’avoir une terre verte. Longtemps les quelques champs du département ont nourrit les gens des environs. Nous avons pour une grande part des quetsches, des noix, des pommes et des figues. On dit la terre calcaire et cela peut se vérifier aux gisements que l’on aperçoit sur la route. Avant, le raisin et les fraises des bois parait-il étaient très présents. Ils se sont raréfiés ; les mauvaises herbes les ont remplacés. Le Vexin compte quelques fermes et une grande variété de produits céréaliers. Les brasseurs depuis quelques années se sont réimplantés tout comme les apiculteurs. La chose étant ce qui est, nourricier ne veut pas dire laid. Dans les parcs, le magnolia tient une place à part. Il s’est répandu dans beaucoup d’entre eux à la vitesse grand V. Pourquoi ce choix, je ne saurais dire. Un verger sans arbre décoratif manquerait d’équilibre, il serait lourd avec des arbres au port bas : un charme rétro flattant le jardin à l’ancienne. Le magnolia est présent dans le catalogue français en différentes variétés. J’ai une affection pour le Stellata dont les fleurs sont comme le dit son nom latin en forme d’étoiles. En se promenant, nous avons le Soulangiana et le Grandiflora à la floraison plus tardive. Il m’arrive de cueillir des pétales et d’en mettre dans un bol plein d’eau. De même avec des jacinthes ou des roses. Le magnolia est un cas particulier. Son dessin est très agréable. Son pétale me fait tracer des yeux ses contours. La ligne se trouvant à la base du pétale et se rependant avant de disparaître sur sa longueur m’en apprend un peu sur sa vie. Ce que la fleur aime et supporte, je peux le savoir. Cette année, elles sont très blanches. Elles manquent de lumière et de potassium. On les a planté sans savoir si la terre était faite pour cet arbre. C’est un drame quand on y pense. Dans certains jardins, il serait mieux en pot. Le mien est un invité surprise. Quand j’ai nagé, mes poumons s’ouvrent, je respire mieux et mes yeux épousent la forme de ces fleurs comme un bonheur simple à détacher de sa gangue.
Profil droit. Ma mère me trouve dure, les autres me trouvent douce sur ce portrait. Qui croire ? La perception des choses et des personnes est terrible.
Profil gauche. Mon père n’a rien à dire, ni mon frère, les autres me disent ressembler à un elfe. Mais où allons-nous ? L’imagination des lieux et des époques est communicative car en entendant cela je me mets à penser. Faery.
Deux personnes en une. Des amis disent que je suis duelle. Soit souvent en lutte avec moi-même. Je suis muette. Cela me ressemble quand même beaucoup.
En retour si vous le souhaitez écrivez-moi quelle image les autres ont de vous ? Je sais cela demande un peu de temps. Mais pas trop.
Je ne parle pas des pièces maîtresses qui font l’œuvre pour le spectateur, le lecteur, le public. Je parle de ces fragments dont est formé la vie de l’artiste. Ils sont en retrait, presque enterrés. Ils vont être le sol et les fondations. Par lequel d’eux le soleil sera attiré ? Je ne sais pas. La réciprocité n’est jamais égale.
Je l’ai laissé reposer plusieurs mois avant de le reprendre aujourd’hui. Il n’y a rien de plus beau que d’arriver à reprendre un dessin mis de côté très longtemps. Souvent je les perds et dois les recommencer depuis le début. De ces œufs, je n’ai rien oublié. Cela me rend très fière du sujet : j’aime au point de le faire une seconde fois. Un double peut-être pas. Un dessin frère sûrement. 🐣 😃 🐣
Dans un catalogue de chez Drouot, un verre a attiré mon attention. J’ai voulu le dessiner plusieurs fois.
Dans ce verre tout me dictait de commettre ce geste. L’illusion de le tenir dans ma main était si grande que je dus passer au fusain pour éloigner toute idée de le posséder. Je crois que ça n’a pas marché. Je n’ai pas su m’arrêter et sa version peinte est en cours de route. Diable où allons-nous.
✨ Cœur grenadine ✨ à la Grande Motte, été 2015. L’empreinte des mains donne à peu près l’échelle de mon installation. C’était le matin, dans la voiture chantait à la radio Francis Cabrel, mon ami m’a déposé avant de rejoindre Béziers. Le soleil, la mer et le vent m’ont servis de maître yogi avant de commencer à creuser à la main un cœur 💓 . Je pensais au SOS du film 28 jours plus tard de Dany Boyle. Je voulais que mon cœur se voit de très haut. J’ai ajouté un deuxième cœur bombé comme on peut le voir sur la photo et posé des coquillages 🐚 pour surligner le contour. Un matin à la plage ça creuse, j’ai mangé des brugnons et du poulpe 🐙 avant de retrouver mes affaires et la route.
Pêches ou Appât pour deux anglaises à cuisiner dans un jardin à la française.
Sur un pêcher pousse des poèmes prêts à manger. Deux anglaises en France pour cinq jours visitent la maison de Maurice Denis. Sur le banc, elles noient cette invention : les couleurs ne sont pas lumineuses, cela n’a pas force, Maurice Denis n’a pas notre préférence. J’écoute leur nature avant que les mots en français soient ce qu’elles veulent dire. Les deux anglaises m’apprennent l’importance d’une terre neutre entre nous pour habiter la conversation. La plus douée me dit : Cézanne a de la lumière. C’est curieux à quel point je suis d’accord et ne peux en dire plus. Elle poursuit, force sa mémoire et demande à l’autre anglaise qui est the woman in forest. Manet, répond-elle. Elles veulent Le déjeuner sur l’herbe, une illusion réelle et une vérité sur toile. J’ai déjà vécu ça : deux américaines à Paris, perdues en sortant du Louvre allant boulevard des italiens me demandent quel métro prendre pour le Centre Pompidou. J’ai vingt ans et les accompagne à pieds. Elles sont si heureuses, qu’elles me donnent l’argent du métro. J’accepte. Devant les deux anglaises, je réduis toute idée parallèle. Aucune familiarité entre nous s’il vous plaît est ma préférence. Nous ne sommes pas à Paris, les idées depuis les couleurs de Manet m’envoient dans toutes les directions en France. Je ne dis rien mais au milieu du jardin de Maurice Denis, nous avons toutes les trois très faim d’une forêt sauvage. Les poèmes ont parlé. Nous devons nous séparer, l’art de la conversation ça creuse à la folie.
Arriver à rester immobile suffisamment longtemps pour ne plus se voir en train de courir après un bonheur perdu ça serait bien. Le début du bonheur en somme. Il commencerait le matin avec une assiette volée dans la cuisine d’un atelier. Je m’en servirai pour y poser une clémentine. Je laisserai le soleil entrer et tout brillerait sans gommer les accidents. Le fruit au fond du sac remonterait pour se mettre sur l’assiette. Je n’aurai plus qu’à regarder le spectacle des lumières se faufiler dans l’étroit chemin de sa peau. L’odeur absente, je ne sentirai que la chaleur du soleil. Ce matin s’éterniserait et je gagnerai le temps que l’on m’avait volé.