Étiquette : pensée zen
L’ombre des débuts
L’ombre des débuts, retrouvé sur un carnet de pastel commencé en 2016. Il s’est laissé oublier puis est revenu. Le confinement que nous vivons n’est pas sans présences.
Buddha est partout. Il était en petit chez moi par terre. Comme un guide à mes pieds, il me faisait incliner la tête pour mieux regarder ce qui se passe en bas. Je l’ai cassé un jour de colère. À cet endroit, il n’y avait plus rien. Les somnambules que nous sommes ont des rêves venant d’autres têtes. On se laisse guider puis piéger. On pourrait dire que reconquérir son identité et retrouver les âges de la vie ne se demande pas. Toute réussite est imposée même si elle surprend. Buddha existe au-delà de toute perception c’est pourquoi sa présence fait du bien. Parler à des fantômes non. Depuis la terre, nous n’avons pas le droit d’être des âmes errantes. 🌾
Pastel sec | 16 x 25 cm sur papier Sennelier | 2016
Le pastel n’est pas dans mes habitudes. De lui sort de l’improbable. Des croisements sur des sujets occupent mon esprit et vont dans la même case.
Faire lumière
Je ne parle pas des pièces maîtresses qui font l’œuvre pour le spectateur, le lecteur, le public. Je parle de ces fragments dont est formé la vie de l’artiste. Ils sont en retrait, presque enterrés. Ils vont être le sol et les fondations. Par lequel d’eux le soleil sera attiré ? Je ne sais pas. La réciprocité n’est jamais égale.
Je continue.

Nuit américaine
Célébrer le feuillu m’a inspiré un tour sous les arbres avant de rentrer. Je croyais être une girafe venue manger son repas de feuilles fraîches. Malgré la chaleur, un air frais passait par là et me fis lever le nez. J’ai cueilli quelques feuilles en pensant à Lugnasadh comme un rêve d’un très lointain pays. Je l’ai invité dans le lit, près de la tête comme pour l’entendre me parler de sa nuit en forêt. Divin.
Vers la lumière

Arriver à rester immobile suffisamment longtemps pour ne plus se voir en train de courir après un bonheur perdu ça serait bien. Le début du bonheur en somme. Il commencerait le matin avec une assiette volée dans la cuisine d’un atelier. Je m’en servirai pour y poser une clémentine. Je laisserai le soleil entrer et tout brillerait sans gommer les accidents. Le fruit au fond du sac remonterait pour se mettre sur l’assiette. Je n’aurai plus qu’à regarder le spectacle des lumières se faufiler dans l’étroit chemin de sa peau. L’odeur absente, je ne sentirai que la chaleur du soleil. Ce matin s’éterniserait et je gagnerai le temps que l’on m’avait volé.
Le tic tac de l’éveillé

À l’horloge, il est onze heures. J’enlève les papiers qui n’ont rien à faire sur la table de travail. Je sors vite une toile, met le lutrin faisant office de chevalet et prépare les couleurs. Je change souvent tout de place. Je sais que je vais gagner de la vitesse. La locomotive lancée quelques obstacles permettent de se rapprocher d’un intercité . Ici, ce n’est que pour la photo. En vrai, c’est un peu plus dégagé. Il y a du monde que j’invite sur ma peinture. Se sont des vivants. De partout, sans distinction d’âge. Uniquement des femmes. Le seul homme a avoir droit de cité est le mien. Je n’ai aucun humour avec la mort, c’est souvent une danse sans fin pour l’encercler avant de la renvoyer d’un coup de talon aux enfers. Je refuse de la laisser gagner. Il faut des vivants en masse pour la contrer. La bulle à créer pour que rien ne nous sépare est immense. Je me dis souvent que – quand il faut se déplacer – l’atelier ressemble à une loge et qu’arriver à transporter l’âme de chez nous dans un autre lieu n’est pas gratuit. Beaucoup de peintres ont mués avec le numérique. La DV à peine saisie avant de servir au cinéma comme un second souffle de la nouvelle vague aurait après des années de tests trouvée son mode d’emploi par les artistes qui ont bien voulu travailler avec cet outil. Je me doute que la peinture paraît être un grain de poussière dans le système informatique. L’apparence est trompeuse. La peinture sert les artistes et ce qui peuple leur tête fait des rêves dans les chambres adolescentes, puis le séjour des adultes. Je n’ai pas lu Sam Shepard avant vingt ans et ne suis pas née américaine mais quand je l’ai connu par Wim Wenders et que je vis la collaboration avec Viggo Mortensen, je vis à quel point le monde est petit quand nous aimons les mêmes choses. Peut importe si la peinture semble disparaître, j’adore les arts plastiques et par cette matière très scolaire j’ai aimé beaucoup de métiers qu’elle a fait naître. Infographiste, architecte d’intérieur, scénographe, commissaire priseur tissant son fil d’Ariane en priant le secours de toutes les petites et grandes déesses qui ont motivé son dessein d’indépendance et de dignité humaine.
Rester à l’écart de l’oeil du cyclone quand démarre l’attraction terrestre à l’intérieur du corps devient Athéna guidant Ulysse de l’ancien au nouveau monde, Marie baignant l’enfant pour premier baptême, Daphné se transformant en arbre.
La transmission de femme à femme continue de voir le jour. J’ai été formée par un homme. La femme m’a fabriquée, l’homme m’a éduqué. Le contrat est rempli.