Étiquette : souvenir

Théâtre du Châtelet

Un de mes premiers théâtres. J’y allais jeune femme pour la leçon du dimanche matin où j’ai découvert la plupart des artistes qui font la scène musicale classique et jazz. Paraît-il que mon arrière-grand-mère y emmenait mon père voir des opérettes. J’y ai vu Alexandre Tharaud, Quartet ébène, Anne Gastinel, Jean-Guihen Queyras, Dominique A, et quelques autres. En échangeant avec un monsieur au Théâtre de l’Odéon, j’ai eu très envie de retourner sur mes pas direction place du Châtelet. C’est mon quartier. De dix-huit à vingt-trois ans j’étais presque tous les jours à la BPI, je n’achetais que des livres et déjeunais d’une demi baguette viennoise et d’une banane. Certains jours, ma mère m’achetait des salades catalanes en boîte que depuis je déteste et j’utilisais l’argent du transport pour les revues, l’encre et le papier. Je n’avais pas d’ordinateur et les postes d’autoformation de la BPI m’étaient géniaux. Je voulais apprendre le russe et le japonais et feuilletais toutes les références de mes auteurs de chevet. C’est en écoutant la chanteuse RoBERT que j’ai commencé à sortir de ma coquille. Avec, ou pour elle, je suis allée dans pleins de petites salles parisiennes. Comme ça ne me suffisait pas et que la scène française était en pleine explosion j’ai continué à suivre le flux et me laisser porter vers d’autres lieux. Je rêve depuis des années de la salle Gaveau, du théâtre des Champs-Élysées et de l’Odéon. J’aime Pleyel, la Philharmonie, Chaillot, le Théâtre de la Ville et le Théâtre du Châtelet. Je suis venue en fin de matinée, le ciel bleu clair créait un sentiment de sécurité immense. Quelque chose de l’invisible en se densifiant nous sortait de l’ignorance. Les portes sont fermées pourtant il y a de la vie derrière. Tout brille. Tout est chauffé. Le lieu n’est pas abandonné. À tout moment les portes peuvent se rouvrir.

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Se sentir vivante

Je voulais peindre autre chose…

Dans ma mémoire, il existe quelque part vers Bagatelle une baronne s’occupant de ses vignes. Elle laisse quelques jardiniers venir retirer ce que la nature rejette de son ventre. Les jardiniers ne s’avancent pas en direction de la maison. Après la tonte, une servante leur apporte des cafés et des financiers faits maison. Ils écoutent la dernière demande de la baronne : sélectionner dans la taille des hortensias des fleurs séchées. La servante repart avec le plateau et dans l’équipe des jardiniers une aide jardinière est choisie pour placer la faveur de la baronne sur le pallier de l’escalier. Il ne faut pas de bouquet. Il faut les éparpiller. La baronne a plus qu’une idée. Quelque fois une personne lui manque. Sortir une écharpe offerte par un disparu est réconfortant. La photo rend triste. Ce n’est pas un souvenir qu’elle peut toucher. L’écharpe si. Encore que. Ce jour-là elle doit être assez âgée pour se rendre compte que regarder les petits-enfants jouer lui interdit la nostalgie. Il lui faut comme eux un objet de courte durée qui lui montre une présence venant de l’intérieur si grande qu’elle laisse entr’apercevoir les aînés.

Un plant séché sur pied y arrive. La mémoire des morts invoquée quelque chose est là pour protéger la baronne. Elle ne demandera jamais autre chose que des hortensias. La peur de ne pas rester maîtresse dans sa maison est vite démasquée. À ses invités elle réserve un bouquet coupé le matin même. Les fleurs grandes ouvertes incitent à sortir sur la terrasse. Le vase est posé sur une table ronde dans l’entrée de la maison. On peut le voir sur deux façades depuis le jardin et l’entrée.

La grand-mère de l’aide jardinière faisait de même avec les amours en cage. Le fruit consommé la fleur était maintenue avant d’être suspendue avec du raffia. Cette tradition réserve une espérance de vie. Elle est à signer comme un contrat avec la maison. On pouvait voir la fleur dans la cuisine, au séjour, dans le bureau d’écriture et oubliée dans les poches d’un tablier.

En voyant les hortensias c’est un peut de mort à regarder. L’aide jardinière devine la baronne de l’autre côté de la porte. Comment ne pas se sentir vivante après cela.